Les modalités pour s’acquitter de la zakât al-fitr selon l’école malikite

Cet article s’adresse en premier lieu à celles et ceux qui ont pour habitude de se référer à l’école malikite quant aux questions afférentes à la religion. Nul grief à celui qui aura opté pour une autre école, nous l’invitons toutefois à ce qu’il agisse avec responsabilité, cohérence quant à leurs fondements, et avec respect de la divergence. Enfin, ce sujet relève du minimum de connaissance obligatoire pour tout musulman responsable, cela s’acquiert dans le cadre de l’instruction religieuse et non par la simple lecture d’articles ou même d’écoute de vidéos en ligne.

La zakât al-fitr (aumône de la rupture)

La zakât al-fitr (aumône de la rupture) est liée, comme son nom l’indique, à la rupture du jeûne du mois de Ramadan (à ne pas confondre avec zakât al-mâl qui est indexée sur 2,5% de l’ensemble des biens qu’un individu possède au terme d’une année). Elle a été légiférée lors de la deuxième année de l’hégire.

D’après Abdallah Ibn ‘Umar (qu’Allah les agrée), le Prophète (que la prière d’Allah et Son salut soient sur lui) a imposé l’aumône de la rupture du jeûne avec un sâ’ de dattes, ou un sâ’ d’orge pour le serviteur et l’homme libre, pour les hommes et les femmes, pour les vieux et les jeunes parmi les musulmans. Et il a ordonné qu’elle soit donnée avant la sortie des gens pour la prière.

La sagesse de cette aumône est de contribuer à ce que le jour de l’îd, la personne pauvre n’ait pas à souffrir de sa pauvreté. C’est également une purification pour le jeûneur.

D’après ‘Abdallah Ibn ‘Abbas (Qu’Allah les agrée lui et son père) : Le Prophète (que la prière d’Allah et Son salut soient sur lui) a imposé l’aumône de rupture du jeûne comme purification pour le jeûneur des paroles futiles et grossières et comme nourriture pour les pauvres.
Celui qui la donne avant la prière, elle est alors une zakât acceptée et celui qui la donne après la prière c’est une aumône parmi les aumônes. Rapporté par Abou Daoud.

A qui revient cette obligation ?

A toute personne musulmane, homme ou femme, enfant ou adulte. Toutefois, il revient au musulman de sortir cette zakâh pour ceux dont il a la charge (nafaqah) : ses enfants en bas âge (jusqu’à ce qu’ils soient pubères et en capacité d’acquérir leur subsistance pour les garçons, et jusqu’à la consommation du mariage pour les filles), son épouse ; et ses parents s’ils sont pauvres. Rien n’empêche au père de famille de prendre l’argent de ses enfants pour s’acquitter de leur part à eux, même si cela est contraire à ce que l’on admet dans la culture et dans la pratique actuellement. Toutefois, il devra prendre de ses propres biens pour ce qui correspond à la part de son épouse. Enfin, on doit s’en acquitter si on en a la capacité, et cela même s’il nous faut nous endetter pour cela tant que l’on sait que l’on sera capable de rembourser cette dette.

Quand commence l’obligation de donner la zakât al-fitr ?

On a deux avis notoires (machhûr) dans l’école : L’un qui considère que c’est lié à la fin du mois de Ramadan donc à l’entrée du temps d’al-maghrib, la veille de l’îd. L’autre qui considère que c’est lié au jour d’al-‘îd donc à l’entrée d’al-fajr le jour de l’îd.

Quand donner la zakât al-fitr ?

Le meilleur moment est après l’entrée du temps du subh et avant la prière d’al-‘îd. Mais il est permis de la donner jusqu’à deux jours avant, notamment pour des raisons logistiques. Si l’on retarde l’acquittement de la zakât et que l’on atteint le maghrib du jour d’al-‘îd, alors on reste redevable de cette dette et on devra s’en acquitter même après plusieurs années.

Quelle est la quantité à donner (en denrées alimentaires) pour la zakât al-fitr ?

sâ’ de riz

Il s’agit d’un sâ’ du Prophète (saw) qui équivaut à 4 amdâd (pluriel de mudd). Un mudd équivaut à ce que contiennent deux mains moyennes ni trop fermées ni trop ouvertes. Un sâ’ équivaut à – selon les estimations – un volume entre 0,7 et 0,9 litres. Le poids variera selon le type de denrées (0,9 litres de blé, ou de riz ou encore de dattes auront forcément des poids différents).

Quoi donner pour la zakât al-fitr ?

La nourriture la plus répandue dans le pays parmi les 9 catégories suivantes : al-qamhu (blé), ach-cha’îr (l’orge), as-sult (le soult), az-zabîb (le raisin sec), at-tamr (les dattes), adh-dhurah (le maïs), al-‘aruzz (le riz), ad-dukhn (le millet) et al-aqit (le lait séché). Si les 9 sortes sont consommées de façon égale, on a le choix entre ces 9 en privilégiant ce qui est le plus apprécié. Si une seule est particulièrement consommée (fréquemment), on donnera de celle-là. Et si une autre est moins consommée mais plus appréciée on pourra également y avoir recours. Enfin, si aucune de ces catégories n’est consommée, alors il est possible de donner de n’importe quels produits parmi les plus utilisés. Toutefois, les produits transformés (comme la farine, la semoule ou les pâtes) ne sont pas autorisés.

Dans notre contexte, le riz est clairement ce qui est le plus consommé. Le poids correspondant à un sâ’ de riz est de 2,3kg. Et 1,8kg pour les dattes si l’on souhaite mélanger les deux types de denrées.

Selon l’avis machhûr chez les malikites, payer la zakâh en valeur monétaire n’est pas valide. C’est clairement l’avis de l’école depuis des siècles. On notera toutefois que certains savants au sein de l’école ont considéré que cela était valide et nombre de références malikites contemporaines au sein du monde musulman ont opté pour la valeur monétaire  (en savoir plus).

Compte tenu des circonstances liées à notre contexte et à la diversité des référentiels juridiques au sein de la communauté, il n’y a aucun mal à recourir à cet avis, ou même à l’avis en vigueur dans l’école hanafite permettant de donner la zakâh en valeur monétaire.

Remarque : on veillera toutefois à l’indexer sur le cours des denrées au moment de s’en acquitter.

Ainsi s’offrent à vous 3 solutions :

1. Payer sa zakâh en denrées alimentaires selon les modalités indiquées. Rien n’empêche celui qui s’astreint à donner sa zakât al-fitr en denrées d’y adjoindre une aumône (sadaqah) qu’il séparera de la zakâh dans son intention (ex : sauces, sucreries, épices, ou même argent) uniquement s’il le souhaite, cela n’a aucun caractère d’obligation. Ainsi, il se sera acquitté de son obligation tout en s’assurant de susciter la joie dans le foyer du destinataire.

2. Selon le conseil théologique de la Grande Mosquée de Paris et Le Conseil Théologique Musulman de France (CTMF), la valeur de la zakâh pour le mois de Ramadân de l’année 2019 est estimée à 7 euros.
A titre informatif : si l’on prend un riz moyen (Uncle Ben’s – long grain à 2,76€/kg vendu actuellement chez Leclerc) pour 2,50kg on obtient la valeur de 6,90€. Pour un foyer composé de 2 personnes musulmanes : 13,80€. De 3 personnes : 20,70€, etc. Ce qui semble accréditer l’estimation à 7€/personne.

3. Recourir à l’avis hanafite, école juridique à laquelle se réfère nombre de musulmans dans notre communauté. Pour cela, référez-vous à des personnes références dans cette école afin de respecter pleinement leur modalité d’exécution de la zakât al-fitr.

A qui donner cette zakâh ?

Le destinataire de cette zakâh concerne uniquement deux catégories que sont le pauvre et l’indigent (toute autre catégorie n’est pas autorisée : projet de construction, etc.,) contrairement à zakât-ul-mâl qui accepte huit catégories de destinataires. Enfin, il faut qu’ils remplissent deux conditions : être libre et musulman. Autrement dit, seuls ceux qui entrent dans ces catégories-là ne paient pas cette zakâh. Le but est de leur permettre de festoyer ce jour de fête.

Remarque : Que le lecteur ne s’étonne pas de lire ou d’entendre des choses différentes sur cette question puisqu’il existe de nombreuses divergences acceptables notamment sur :

  • la possibilité d’avancer l’acquittement de la zakâh
  • le mode d’acquittement de celle-ci : denrée ou valeur monétaire
  • les catégories de denrées (d’autres incluent la farine, ou même les lentilles)
  • les catégories de destinataires de la zakâh.

WAllâhu a‘alam,

Nous demandons à ce qu’Allâh accepte nos œuvres et nous octroie sa miséricorde au cours de ces dix dernières nuits de Ramadân.

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